Le lin et le chanvre sont reconnus et utilisés pour leurs propriétés textiles. Leurs tiges sont constituées de bois entouré de fibres, l’un et l'autre étant liés par un ciment végétal, la pectine. De nombreuses étapes de travail sont nécessaires pour libérer leur filasse et la transformer en fil, puis en toile ou cordage.
Les graines de lin dégénérant rapidement sont importées depuis les pays Baltes. Chaque année, au cours du printemps, de nouvelles semences stockées dans de petits tonneaux, transportées par navires depuis les ports de Riga ou Tallinn sont débarquées à Roscoff. Elles sont réparties par cabotage et semées sur des terres limoneuses de la côte nord de la Bretagne. Le chanvre est semé à la même période dans l'arrière-pays à partir d’un pourcentage de graines conservées après la récolte précédente. En juillet, le lin et le chanvre sont arrachés à la main afin de conserver la longueur de la fibre puis égrenés à l’aide de peignes.
La première étape de transformation consiste à faciliter la séparation du bois des fibres. Plusieurs méthodes peuvent être utilisées pour dissoudre la pectine. Les gerbes de lin ou de chanvre sont immergées dans des bassins, maçonnés ou non. Cette pratique est toutefois source de pollution et interdite par arrêts du Parlement de Bretagne dès le XVIIIe siècle. Une autre technique consiste à étendre les fagots "sur le pré" afin de laisser la pluie et la rosée opérer ce que l'on nomme le rouissage, processus encore employé aujourd'hui. Entre cinq et quinze jours sont nécessaires pour obtenir une plante "rouie" qui prend alors une couleur grise, que l'on doit ensuite faire sécher. Cette étape est soumise à une surveillance rigoureuse afin d'éviter l'altération des fibres.
Une fois égrenés, le lin ou le chanvre subissent les différentes phases du teillage afin de séparer le bois des fibres. Les gerbes sont broyées sous le levier d’une braie par mouvements répétés. Le pesselage ou espadage permet d’assouplir la filasse et d’éliminer les morceaux de pailles restants. Le peignage finit d’éliminer les dernières impuretés et sépare les fibres les plus courtes appelées étoupes.
La filasse obtenue doit être filée, activité essentiellement féminine qui n'apparaît comme métier que dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Si le fuseau peut-être employé, c'est l'usage du rouet à grande roue qui est le plus souvent retrouvé. Dans les deux cas, la fileuse se sert d’une quenouille, bâton de bois sur lequel sont enroulées les fibres de lin ou de chanvre. Au sortir du rouet, le fil est transféré sur l’ourdissoir, cadre de bois tournant, afin de constituer un écheveau pour faciliter son stockage et préparer la chaîne.
Le rôle du tisserand est alors de monter la chaîne sur le métier. Celui-ci permet d’entrecroiser fils de trame et fils de chaîne et de créer peu à peu l’étoffe. L’artisan doit veiller à la régularité de la tension des fils. Le travail doit se faire dans une atmosphère humide qui permet au fil de conserver sa souplesse. La toile est ensuite pliée, empaquetée puis contrôlée avant d’être vendue et exportée. Elle doit, en effet, correspondre à un règlement qui définit sa qualité.
Chaque territoire développe des savoir-faire particuliers. Ainsi, l'opération de blanchiment est effectuée différemment d'une région à l'autre. Il s'agit d'obtenir une toile de lin ou de chanvre la plus "blanche" possible. Pour cette opération, la lessive la plus utilisée est la cendre de hêtre, au pouvoir saponifiant important et qui a la particularité de ne pas contenir de tanin.
Cette cendre fait l'objet d'un véritable commerce. Dans les inventaires après décès on la trouve sous le nom de "charrée". Dans le nord-Finistère, le fil de lin est blanchi une fois enroulé en écheveaux. Cette opération est réalisée dans les "kanndi" ou maisons buandières, petites constructions dispersées dans la campagne. Dans les Côtes d'Armor, les toiles de lin sont blanchies dans des "blandieries", grands bassins ou lavoirs maçonnés.